Par pure vénalité
par Marie Darrieussecq ¤
ON me demande ici de parler de « ma rentrée ». Je le ferai avec un plaisir pointilleux : rentrer veut dire « entrer à nouveau ». Le mot est adéquat quand on parle de « rentrer chez soi », ou quand il s'agit des cycles scolaire, littéraire, sociaux, etc. Dans mon cas, il s'agit plutôt d'une « entrée ».
Soyons précis. Je suis donc « entrée » grâce à deux institutions françaises pour l'efficacité desquelles j'ai une admiration sans bornes : La Poste et les Télécoms.
Mes six exemplaires de Truismes, dûment enveloppés et timbrés par mes soins, furent diligemment remis à leurs destinataires exacts, dont quatre me téléphonèrent (le manuscrit était accepté), et deux m'écrivirent (le manuscrit était refusé). Je ne sais pas si l'équation écrit/refus et oral/bonne nouvelle a un sens quelconque dans le monde de l'édition, mais c'est, à priori, à vous dégoûter de l'écriture. Gardons pourtant courage.
Je m'attendais à six lettres types, de ces lettres de refus qui vous expliquent courtoisement que votre manuscrit ne s'inscrit pas exactement dans la marche implacable de l'Histoire de la littérature; et quatre portes m'étaient ouvertes. La tête me tournait. C'est le beau POL que je préférais. Mais j'étais inquiète : l'exigence de ses choix et la droiture de sa conduite éditoriale ne pouvaient s'accompagner, à mon sens, que d'un manque de fonds permanent, ou d'une philantropie sans limite à l'égard de causes justes sans doute, mais qui ne me feraient pas vivre, moi. Le directeur commercial, l'inénarrable Jean-Paul Hirsh, m'a alors appâtée avec une mirobolante avance et une promesse de tirage qui donnait une idée concrète de l'infinité du cosmos. Je suis donc entrée chez POL, par vénalité pure. On franchit le seuil en poussant une porte lourde. C'est au fond d'une vieille cour. Ils ont descellé exprès quelques pavés pour qu'on se casse la gueule en maudissant la mémoire de Proust. On s'y sent chez soi. Quelques mois plus tard, j'entrais subitement sur la planète média. On me mettait sur orbite. Boum. Quand on entre, on finit toujours par sortir. Peut-être justement pour pouvoir « rentrer ». Pour l'instant, je tourne, je tourne...
J'ai l'impression de voir, depuis la Terre, un petit satellite au loin, une Marie Darrieussecq dont le visage et les propos dans les journaux, me disent très vaguement quelque chose...
Je me sens loin de chez moi. C'est la planète littérature qui me fait (je crois) garder les pieds sur terre. Il me semble n'y être jamais entrée ; disons que je ne me souviens d'aucun franchissement de seuil. Peut-être au cours préparatoire ? Lire, écrire...
Cette entrée là n'est pas gardée. D'ailleurs vous pouvez envoyer vos manuscrits à M. Paul Otchakovsky-Laurens (POL), 33 rue Saint- André-des-Arts, Paris. Il est charmant et il lit tout ce qu'il reçoit.