Le Chroniqueur|N°1|Fait-divers|A qui se fier ?

Laurent Bochet

DEMAIN j'enlève votre fille et je la tue c'est ne pas une profession de foi mais le germe dans un cerveau malade. L'été on se remue pas mal. Les vacances sont là. On fait le ménage. Les guetteurs de fillettes en profitent pour en séquestrer quelques-unes, les filmer dans des positions inconvenables. Un beau jeune homme de vingt ans prénommé Benoît, benoîtement confie à la Fnac des vidéo- cassettes de 8 mm pour être transcodées en VHS. Ses très jeunes figurantes sont au nombre de soixante. Benoît risque d'écoper de vingt ans de prison. Quel gâchis pour un homme avec un casier judiciaire vierge... Pendant ce temps, le meurtrier de Caroline, une adolescente britannique violée et assassinée dans une auberge de jeunesse d'Ille-et-Vilaine court toujours. Le routard écroué n'est pas le coupable. Mis hors de cause, il n'en est pas pour autant tout blanc. Il avait déjà été condamné à cinq ans de prison en 1984 pour agression sexuelle. Si trouver le coupable est le but recherché, encore faut-il trouver le bon coupable. Se fier à qui ? Voilà la grande question. Par exemple, cette jeune fille de treize ans, en fugue d'une colonie de vacances, a été violée par six adultes dans un camping. Parmi ces adultes, le gardien du camping ! A qui se fier !

Va-t-on finir par se méfier de son gynéco ? Les interrogatoires se succèdent en vue de mettre la main sur le meurtrier de Caroline Dickinson. Ce nom évoque la grande poétesse Emily Dickinson. Caroline avait écrit un poème dont la résonnance fait mal : « Un petit enfant criant / Pleurant, mourant / Seul sur le sol en béton. » Une jeune fille de son groupe a fait le portrait du meurtrier présumé : un jeune homme aux lèvres épaisses. D'autres filles se rappellent un homme ressemblant plutôt à Mike Jagger.

A qui se fier ? Y aurait-il parmi vous - jeunes filles marquées à jamais par le plus atroce souvenir de vacances - une qui en aurait vu plus qu'elle n'en dit ? Toute enquête se fortifie d'interrogations. Dans l'attente de réponses claires. Barbe-Bleue serait-il de retour ? Non, c'est Gilles de Rais qui est de retour. Marc Dutroux, le violeur d'enfants, possède autant de maisons que Gilles de Rais possédait de châteaux. Gilles de Rais s'entourait de sorciers pour chercher des ressources dans l'alchimie, la magie noire, tandis que les ressources de Dutroux proviennent d'un trafic de voitures. Alors que les fouilles se multiplient, un médecin, père de famille, étrangle une jeune femme qui avait repoussé ses avances. Bel homme au demeurant, la quarantaine, cheveux poivre et sel. Monsieur Verdoux sans l'esprit de lucre, avec pulsions seulement.

Les routes de France réservent parfois des surprises : Ulrike, vingt-six ans, pédalant sur une bicyclette verte, vêtue d'un short gris et d'une chemise bleue, disparaît sur une route de Matour pour mieux réapparaître à un festival de rues à Aurillac. Explication : las d'attendre sa compagne qui pédalait moins vite, elle a pris de l'avance... A quelques kilomètres de cet évènement rocambolesque, on découvre le corps d'une adolescente de quatorze ans dans un canal, à Guarbecque, Pas-de-Calais. Appelez Maigret ! L'affaire Dutroux ne cesse de rebondir. On a découvert 100 000 photos pornographiques et l'existence d'un réseau international de prostitution enfantine en Europe centrale. L'écu de l'Euro ! Lewis Carroll doit se retourner dans la tombe.

Quand une jeune et jolie aide-soignante de vingt et un ans disparaît mystérieusement dans les Bouches-du-Rhône, que faut-il en déduire ? Enlèvement ? Séquestration ? Fuite ? Suicide ? Vengeance ? L'autre jour, la télé communique qu'on vient de retrouver son corps. Vous entendez bien, pas son esprit, son corps. La morale de l'histoire, de toutes ces histoires sordides, pourrait être celle-ci : un corps brutal actionné par un esprit malsain attaque souvent un esprit sain dans un corps robuste.