Politique intérieure


Qu'est-ce qui, dans la vie politique française, frappe l'attention d'un observateur étranger ? D'une manière peut-être un peu lapidaire, je serais tenté de répondre : l'ennui. À la vérité, et sans vouloir offenser personne, je parierais qu'un français ne répondrait pas autre chose, non plus. Sans doute est-ce la contrepartie d'un système institutionnel excellent, qui a fait ses preuves, qui permet l'alternance et permet à l'hôte de l'Élysée de mener ses troupes comme un seul homme, ou presque.

Les moeurs politiques françaises
par Giampiero Martinotti, un italien à Paris




Drôle de vie politique : où la fausse naïveté est le lot quotidien, où le monarchisme détermine l'ensemble de l'édifice. Et pourtant, tous les politiques - tous - n'ont de cesse d'exalter le rôle du Parlement. C'est une ritournelle. Chacun y va de son discours, mais tout reste toujours lettre morte. Et c'est bien l'inertie du Parlement qui nous étonne, nous Italiens. Exemple type : le débat qui a accompagné la mise en place de la session unique. J'ai clairement eu le sentiment d'assister à une représentation de théâtre d'ombres chinoises.

Dans un pays où l'ordre du jour est fixé par le gouvernement, tout le reste semble bien accessoire. Ne soyez pas fâchés Messieurs les députés : vous êtes là pour dire oui. D'ailleurs, plusieurs d'entre-vous ont reproché à Jacques Chirac de ne pas avoir dissout l'Assemblée après son élection. Et pourquoi l'aurait-il fait ? Pour avoir le Parlement «à sa botte».

C'est évident, cette situation provoque l'ennui et frustre probablement les députés.

Il faut l'admettre aussi, vue d'Italie, le système français est vertueux. Le déroulement des débats est réglé comme du papier à musique et les projets de loi sont approuvés dans les délais fixés. En somme, le pays est gouverné, bien ou mal, mais ça, c'est à chacun de voir.

La récurrence des discours rhétoriques sur le Parlement trouve encore son pendant dans une autre obsession bien française : les rapports (parlementaires, s'entend). Absolument tout est susceptible de faire l'objet d'une étude bien fouillée, bien présentée. À croire que tout est fait pour encombrer le plus - efficacement possible - les archives ministérielles. Miroir aux alouettes, le rapport enterre au mieux et par avance toute idée de réforme. Il s'agit probablement là encore d'une manifestation de la désormais fameuse «exception française».

Ennui, donc, disais-je. Tout autant que le sont sans aucun doute les savantes analyses politiques. Reste le rire. Celui des «Guignols de l'Info», par exemple. Bien français, très fin et salutaire.



Giampiero Martinotti, correspondant à Paris de La Repubblica





Contacts© Le Chroniqueur, N°0, Septembre 1996, Paris.